La CSRD : qui, quand, pour qui, pour quoi ?
Après un premier article sur la CSRD qui avait pour principal objectif de préciser les fondements de cette nouvelle directive, voyons maintenant quelles sont les organisations concernées par celle-ci, sous quels délais, les bénéficiaires et les bénéfices attendus.
Qui et quand ?
Si jusqu’à présent environ 11 000 entreprises européennes étaient concernées par le Non Financial Reporting Disclosure (NFRD) ou par la Directive de Performance Extra-Financière en France (DPEF), elles seront plus de 50 000 à l’être par la CSRD, avec une mise en œuvre progressive.
Dans les plus grands pays européens, la France et l’Allemagne, ces entreprises seront environ au nombre de 6 000 pour le premier, et de 12 000 pour le second, avec un effort variable à fournir selon les pratiques déjà adoptées. En effet, si en Allemagne nombre d’entreprises communiquent déjà leur performance RSE, leurs données semblent être moins fiables que celles communiquées par les entreprises françaises.
NOTA BENE
1. Voir ordonnance pour plus de précision
2. Pour être soumis(e), l’entreprise/groupe doit dépasser les seuils sur 2 exercices consécutifs
3. En UE ou sur l’Espace Economique Européen
Un groupe ne peut s’exempter de publication de rapport de durabilité. Une entreprise quant à elle, peut être exemptée de rapport si sa société mère publie un rapport de durabilité consolidé et que l’entreprise l’indique dans son rapport de gestion.
L’effectif moyen s’entend comme la moyenne mensuelle des effectifs sur l’exercice.
Les micro-entreprises et les PME non cotées ne sont pas tenues de procéder à la publication de ce rapport, à moins d’y être contraintes par leurs clients privés et publics. En effet, selon une loi votée le 12 décembre 2023 : «Cette mesure est applicable aux marchés publics et aux contrats de concession pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de publicité est envoyé à la publication à compter du 1er janvier 2026. »
Ces entreprises pourront également le faire sur la base du volontariat, car encore une fois, outre leurs clients, les jeunes diplômés et les personnes qui souhaitent changer de travail seront de plus en plus sensibles à ces informations.
Ayant anticipé cette évolution législative, certaines grandes entreprises s’y sont déjà préparées avec, notamment, un travail important réalisé sur l’analyse de leur empreinte carbone. Ne l’oublions pas, malgré d’autres critères appréciés dans le cadre de la CSRD, ce sujet demeure au cœur des priorités de l’Europe afin d’atteindre les objectifs du Pacte Vert.
Au-delà de cette anticipation, certaines entreprises ont déclaré s’être imposées des contraintes plus strictes. Parmi elles, Publicis, Orange et CapGemini ont annoncé viser atteindre leur Net Zero Carbon en 2040, tandis que Sanofi et ENGIE visent l’atteinte de ce même objectif en 2045.
Ces annonces ont été faites il y a plusieurs années déjà. L’analyse de leur double matérialité et les plans de transition ensuite devraient nous dire si les trajectoires de décarbonation initialement proposées seront respectées, et les objectifs tenus.
Les entreprises devant également déclarer dans la cadre de la CSRD la part de leurs dépenses d’exploitation (Opex) provenant d’activités dites durables, et celle d’investissement (Capex) nécessaire à leur transition, des arbitrages devront peut-être être opérés. Réconcilier le temps court de la finance et le temps long de la RSE sera à l’agenda de la très grande majorité des dirigeants.
« Reste à savoir maintenant si, à l’identique des Profit warnings annoncés lorsque les résultats ne sont pas au rendez-vous, nous allons voir apparaître des Environnemental warning. J’espère que les commissaires aux comptes feront preuve de la même rigueur pour les données extra-financières que celle déjà de mise à l’égard données financières.»
Fabrice Bonnifet, Président du Collège des Directeurs du Développe Durable (C3D), lors d’une conférence organisée le 6 mars 2024.
Pour qui, pour quoi ?
ou…l’effet Win Win de la CSRD
Parmi les principaux bénéficiaires, ou utilisateurs des données collectées dans le cadre de la CSRD figurent :
- Les acteurs financiers (banques, fonds d’investissement, actionnaires, etc.) : l’un des objectifs majeurs de la CSRD est de financer la transition en aidant les acteurs du secteur financier à distinguer qui, parmi les entreprises, sont les plus vertueuses en matière de durabilité afin de définir à qui ils devront apporter leur soutien et à quel prix. Au-delà, les acteurs financiers étant eux aussi soumis à la CSRD, aider les entreprises vertueuses devrait les aider à améliorer leur propre performance durable en retour. D’où le fameux effet …Win Win !
- Les entreprises : l’autre objectif majeur de la CSRD est d’aider les entreprises à définir, ou améliorer, leur feuille de route durable. La matrice de double matérialité réalisée, elles seront mieux outillées pour piloter leur transition énergétique. Loin d’être une contrainte, la CSRD peut également être envisagée telle une occasion unique offerte aux entreprises de revoir leur modèle d’affaire à l’aune des objectifs du Pacte Vert Européen, et ainsi de s’assurer de leur propre durabilité sur le long terme. Toujours le fameux effet …Win Win !
- L’ensemble des parties prenantes : ONG, actionnaires, salariés, jeunes diplômés que l’on souhaite recruter, etc. : grâce à l’affichage publique des données des entreprises, la CSRD permettra aux différentes parties prenantes d’identifier les plus performantes en matière de durabilité, d’utiliser leur rôle d’influence, et de lutter contre celles adeptes du greenwashing, une pratique très répandue. Selon une étude réalisée par l’Union Européenne en 2020 sur les produits non durables, 53,3% des allégations environnementales analysées se sont révélées vagues, trompeuses, ou infondées, 40% dénuées de toute justification. Nous l’aurons compris, sur ce dernier point, l’effet Win Win n’est pas assuré à court terme pour les entreprises. Au contraire !
Étude réalisée et publiée par Tennaxia en septembre 2023. Panel de 200 entreprises européennes dont 58% françaises, 54% cotées, 51 % ETI, 38% Grande Entreprises, 11% PME.
Dans le prochain article, la matrice de double matérialité, véritable pierre angulaire de la CSRD et évolution majeure de la NFRD, sera abordée. Ne manquez pas ce nouveau rendez-vous avec PROCADRES.
Cet article a été rédigé par : Florence de Nadaï, Directrice Communication de transition.