#MANAGEMENT – En entreprise, l’effet de groupe peut conduire à de mauvaises décisions. Le point de vue extérieur d’un individu pris isolément (ou celui d’un manager de transition, par exemple!) peut faire changer les choses… Article paru sur RHInfo (extraits)
Le paradoxe d’Abilène : comment le groupe peut être opposé à la somme de ses individus.
Nous avons tous été la victime du paradoxe d’Abilène. Qui n’a jamais, un jour d’été caniculaire, été contraint par un groupe d’amis ou sa famille à prendre la voiture, non climatisée évidemment, pour aller là où il n’avait pas du tout envie d’aller ? On revient tous extenués, après avoir passé une heure dans les bouchons et deux heures dans un musée ennuyeux ou dans un centre commercial bruyant. Et là, on se regarde et on se dit tous : « Mais qui a eu cette idée stupide ? On était si bien à la maison… »
Et oui! Le paradoxe d’Abilene, très bien expliqué par le sociologue Jerry Harvey, illustre bien le fait que quelquefois un groupe peut prendre une décision opposée a l’avis de chacun des membres du groupe. (Dans la fable moderne que propose Jerry Harvey, aucun des quatre membres d’un groupe ne souhaitait se rendre à Abilene mais, par crainte de s’offenser et de se contredire mutuellement, ils y finissent tous !)
Mais dans ce cas là le plus stupide c’est Vous. Pourquoi avoir accepté? Vous avez accepté parce que vous n’avez pas voulu vous opposer au groupe. Le plus étrange maintenant c’est que cette réaction est quasi unanime. Personne n’avait envie d’y aller mais tout le monde a accepté. Cette spirale infernale aurait pu être stoppée par une seule personne. En effet, il aurait suffit que l’un d’entre nous émette un avis négatif sur cette sortie pour que la plupart des autres se raccroche à son avis, trouvant en lui un allié, celui qui a le premier osé. Le plus dur est de rompre la glace.
Dans le monde de l’entreprise nous nous trouvons souvent dans ce paradoxe.
Les prises de décision en réunion sont bien souvent les pires. Il est parfois difficile d’être le premier à émettre un avis négatif sur une décision illusoirement collégiale. Surtout quand un supérieur hiérarchique ou des experts sont là. (…)
(…) Le monde de l’entreprise nous pousse à prendre des décisions rapides. La plupart des réunions sont scandées par des slogans poussés a coup de Power-Points réducteurs et autoritaires. Des concept parfois subtils ou complexes qui ont demandés des analyses fouillées nécessiteraient des explications détaillées pour pouvoir en extraire toute l’information utile, mais sont bien souvent résumés dans des diapositives contenant 3 lignes de texte écrits en Arial 48. Tous les « communicants » vous expliqueront qu’il ne faut pas plus de 3 lignes par diapositive, qu’il faut illustrer avec des photos et que l’audience ne supportera pas plus de 20 diapositives… La salle de réunion se transforme en salle de spectacle. Les diapositives doivent être belles et il ne faut surtout pas que nos convives s’ennuient ou encore pire « décrochent ». C’est vrais : ils sont si stupides! On en oublierait presque que nous sommes au travail ! Que les gens assis dans la salle de réunion sont des professionnels. Ne sommes nous pas réunis pour travailler ? Pour réfléchir ? Parfois c’est difficile, il faut s’accrocher, suivre le raisonnement de celui qui présente. A force d’épurer nos présentations, de simplifier les concepts, de caricaturer les explications, nous faisons de la propagande. Nous assénons notre point de vue sans laisser une chance à l’auditoire de nous contredire. Nous forçons le trait. Les hypothèses, les données, les explications sont bien souvent choisies pour empêcher tout esprit critique. Nous usons du paradoxe d’Abilene à notre avantage…Les conditions ne sont donc pas réunies pour donner une chance à la contradiction…Une mauvaise décision va être prise par le groupe par manque de pugnacité et d’implication des individus. Chacun se dit que si tous les autres sont d’accords alors il doit avoir tort de penser le contraire. En bon manager ou bon animateur, vous vous devez de faire prendre la parole au autres membres du groupe. Bien souvent, les bons arguments vont venir de ceux qui ne parlent pas spontanément car ce sont souvent ceux qui réfléchissent le plus.
Alors allez-y ! Sus au paradoxe d’Abilene. Sachez détecter et casser ces élans soit-disants unanimes, que ce soit, dans votre famille, avec vos amis ou au travail.